Amal
2 min readNov 7, 2021

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De la fenêtre de l’avion

De la fenêtre de l’avion, je regarde en bas. Je regarde la terre et tout ce qu’elle contient.

Des montagnes majestueuses, qui se tiennent tout droit, sans le moindre intérêt à l’histoire des hommes, où leur main sale n’est pas encore arrivée à toucher et abimer.

Elles veillent sur un lac glacé, son eau figée, oubliant de couler et avec elle le temps, qui s’arrête dans ce cadre blanc, de peur et de respect, de la grandiosité du paysage.

Dans ce tableau le temps n’a pas d’importance, le siècle n’est pas connu et l’humanité n’a pas de mémoire.

La mémoire des montagnes n’est pas aussi courte, elle revient à des centaines de siècles passés et pourrait affronter des milliers de centenaires futurs si l’humain n’en fait pas la triste connaissance.

Mobilisée dans le même espace géographique depuis toujours, elle raconte des vérités inconnues par toute la connaissance du présent, dans un vol d’ailes.

Elle incarne le changement et la stagnation, le passé et le futur, la fragilité et la force, la pesanteur et l’apesanteur en dehors d’un instant, car le temps n’y existe pas.

En la regardant, l’homme ne la voit pas avec le regard, avec les yeux, ni avec le cerveau, il la voit en dehors de sa propre existence individuelle.

Quelle est l’importance de son propre individu, son existence individuelle et banale au-delà de son propre corps infiniment minuscule devant l’immensité du reste de cette existence ? Quelle est son existence au-delà de sa conscience fabriquée par les synapses de son cerveau ? Quelle importance du soi pourrait-il avoir encore face à cette blancheur infinie ?

Peut-il encore rester égoïste, vain, centré, concentré et quasiment obsédé par son propre être face à cette relativité qui le réduit à moins d’un grain érodé dans la mémoire de ce grand désert ? Ce grand désert blanc qui ne reconnait même pas sa présence dans les nuages, des kilomètres en hauteur, dans un petit dispositif nouveau qui simule aux hommes le don du vol, manquant de la vie que génère un battement d’aile. S’il était à battre avec la même ardeur donnée à ce rythme transcendant, il exploserait de la force de l’élan et la complétude du sentiment.

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